Une pédiatre en soins palliatifs au CHU Sainte-Justine, originaire de Rivière-du-Loup, a partagé sur les médias sociaux un puissant témoignage, qui a été repris par le journal La Presse.
Gabrielle Brodeur St-Jacques craint qu’il ne soit plus possible pour elle d’accompagner les enfants en fin de vie, et ce, en raison de la Loi 2. Dans son cri du cœur, qui a été relayé des centaines de fois, elle explique que les spécialités comme la sienne, où l’impact ne se mesure pas en nombre de patients, mais en humanité, seront parmi les plus touchées par la nouvelle loi.
Selon la spécialiste, ses journées les plus « productives » sont souvent celles où elle est demeurée au chevet d’un seul enfant, offrant « le bon mot, le bon geste, la bonne molécule, la bonne parcelle de magie, et ce, jusqu’au dernier instant ».
Avec les coupes de la Loi 2, elle craint de devoir se réorienter, non pas pour s’enrichir, mais pour « survivre à ses dettes d’études, protéger sa retraite et se prémunir contre la maladie ». Elle envisage donc de travailler dans un clinique de pédiatrie à haut débit, où elle soignera des otites et des blessures mineures, un service qu’elle considère comme louable et nécessaire, mais qui l’éloigne de sa passion et de sa vocation.
Voici l’intégralité du message partagé par Gabrielle Brodeur St-Jacques :
Je suis pédiatre en soins palliatifs.Ma mission n’est pas de guérir, mais plutôt d’adoucir. Mon échec ne réside pas dans la mort, mais dans la souffrance.
Je consacre ma vie à accompagner et à soulager des enfants et leurs familles dans les moments les plus vulnérables de leur existence. J’y parviens en ayant la capacité de voir du beau dans la tragédie, de la lumière dans l’obscurité, de l’espoir dans la finitude. J’ai acquis une expertise de pointe en gestion de symptômes complexes, en maladies rares, en communication et en bioéthique. Je dédie ma vie à cette vocation, non pas par intérêt financier, mais pour honorer la valeur de chaque vie, aussi courte soit-elle.
Les spécialités comme la mienne, où l’impact ne se mesure pas en nombre de patients, mais en humanité, seront parmi les plus touchées par la Loi 2. Travail invisible pour le système, mais essentiel pour ceux qui traversent la maladie grave ou le deuil, la valeur de ces soins ne peut se réduire à des indicateurs quantitatifs. Mes journées les plus « productives » sont souvent celles où je suis restée au chevet d’un seul enfant, offrant le bon mot, le bon geste, la bonne molécule, la bonne parcelle de magie, et ce, jusqu’au dernier instant.
Les soins palliatifs dépassent largement la fin de vie. Ils représentent souvent le choix de la qualité de vie plutôt que la quantité : un choix profondément humain, mais aussi vital pour le système. Permettre à un enfant de mourir paisiblement à la maison signifie souvent éviter des hospitalisations prolongées, des interventions invasives, des souffrances inutiles. Un accompagnement humain, empreint de dignité, est aussi un accompagnement plus juste, et, j’ose le dire, plus rentable pour la personne comme pour la collectivité.
Restreindre notre pratique serait une erreur humaine et une incohérence. À une époque où la technologie peut prolonger la vie sans toujours en préserver le sens, La loi 2, en limitant certaines de nos interventions, risque de multiplier les soins futiles, coûteux pour l’État et douloureux pour les familles.
Avec les coupes de la Loi 2, je devrai me réorienter. Non pas pour m’enrichir, mais pour survivre à mes dettes d’études, protéger ma retraite et me prémunir contre la maladie. J’irai pratiquer dans une clinique de pédiatrie à haut débit, où je soignerai des otites, des blessures mineures et d’autres maux du quotidien. Service louable et nécessaire, certes. Mais ma passion, ma vocation, mon âme sont ailleurs.
J’ai le cœur qui se fend en mille à l’idée de perdre ce privilège indescriptible : celui de côtoyer l’humain dans sa plus grande vulnérabilité et de pouvoir lui offrir, humblement, mon talent et mon expertise bien particulière.
Je ne sais pas à qui je m’adresse. Alors, cher gouvernement, cher système judiciaire, chère population, chère humanité : les enfants en soins palliatifs ne sont pas des statistiques. Je vous en supplie, ne les laissez pas souffrir impunément.
Voulons-nous vraiment d’un système qui mesure tout en chiffres, ou d’un système qui honore la valeur de la vie humaine, même la plus fragile?