Entre 2020 et 2025, le crime organisé au Québec a connu une transformation marquée par une diversification des groupes criminels et une hausse notable de la violence.

Motards criminalisés, mafia traditionnelle, gangs de rue et réseaux plus jeunes coexistent désormais, parfois en concurrence directe pour le contrôle du trafic de drogues et d’armes. Les autorités policières ont également mis en lumière l’infiltration de centaines d’entreprises légales, utilisées pour le blanchiment d’argent et le soutien logistique des activités criminelles.

Au cours des dernières années, les perquisitions et arrestations se sont multipliées, notamment contre des réseaux liés au trafic de stupéfiants et à des groupes émergents comme la Blood Family Mafia. Les enquêtes du Service de police de la Ville de Montréal et de la Sûreté du Québec se sont intensifiées dans plusieurs régions afin d’élucider des meurtres et des crimes violents associés au crime organisé, faisant de l’année 2024-2025 une période particulièrement active sur le plan policier. Cette recrudescence s’est accompagnée de pratiques préoccupantes, dont l’implication de jeunes, parfois mineurs, dans des attaques armées, ce qui a profondément choqué l’opinion publique.

Plusieurs analystes estiment par ailleurs que l’arrestation ou l’élimination de figures historiques du milieu criminel a créé un vide de pouvoir, rapidement comblé par des gangs plus instables et souvent plus violents.

Dans l’est du Québec, particulièrement dans la région de Québec et en Chaudière-Appalaches, incluant la Beauce, ces tensions ont pris la forme d’un conflit armé opposant des gangs de rue, dont le Blood Family Mafia, au puissant club de motards des Hells Angels. Cette rivalité a entraîné des fusillades, des incendies criminels et des meurtres liés à des luttes de territoire pour le contrôle du marché de la drogue.

La Blood Family Mafia, un gang en émergence dans ces régions, serait entrée en conflit avec les Hells Angels après avoir refusé de verser le « droit » traditionnel exigé par les motards sur le trafic de stupéfiants. En réponse, d’importantes opérations policières ont été menées, incluant des arrestations dans la Beauce et ailleurs, ainsi que des saisies d’armes à feu et de drogues. Ces affrontements ont parfois dégénéré en actes de violence spectaculaires, tels que des attaques contre des repaires criminels, et ont mis en évidence l’utilisation inquiétante de jeunes recrues pour commettre des crimes graves.

Dans l’ensemble, le bilan demeure contrasté. D’un côté, les forces policières provinciales et municipales intensifient leurs efforts pour démanteler les réseaux criminels par des opérations ciblées et des enquêtes de grande envergure. De l’autre, le crime organisé reste solidement implanté au Québec, alimenté par une concurrence féroce entre groupes aux profils variés. La montée de la violence et l’infiltration persistante de l’économie légale soulèvent des inquiétudes quant aux répercussions sur la sécurité publique et la stabilité des communautés, notamment en région.

DAVE « PIC » TURMEL

Dave « Pic » Turmel est une figure centrale du crime organisé québécois au début des années 2020. Il est surtout connu comme le chef présumé de la Blood Family Mafia, un gang de rue devenu très influent dans le trafic de stupéfiants, principalement dans la région de Québec et en Chaudière-Appalaches. Sous sa direction, ce groupe s’est imposé comme un acteur majeur du marché illégal de la drogue, entrant directement en conflit avec des organisations criminelles établies, notamment les Hells Angels, en refusant de se soumettre aux règles traditionnelles imposées par les motards. Cette rupture de l’équilibre criminel a contribué à une escalade marquée de la violence armée.

Entre 2022 et 2024, Dave Turmel a été associé à plusieurs événements violents liés à des guerres de territoire, incluant des fusillades, des incendies criminels et des complots meurtriers. Les autorités lui attribuent un rôle de leadership stratégique, notamment dans le recrutement de jeunes et la coordination d’attaques contre des groupes rivaux. Devenu l’un des criminels les plus recherchés au pays, il faisait l’objet de nombreux mandats d’arrestation pour des accusations graves, dont trafic de drogues, complot et crimes violents liés aux armes à feu. Sa cavale prolongée est devenue un symbole de la difficulté à contenir la nouvelle génération du crime organisé.

Après plus d’un an et demi en fuite, Dave « Pic » Turmel a finalement été arrêté en mars 2025 à Rome, en Italie, à la suite d’une collaboration entre les autorités canadiennes et internationales. Il se cachait sous une fausse identité et tentait d’échapper aux forces de l’ordre à l’étranger. Son arrestation a été perçue comme un coup majeur porté à la Blood Family Mafia, même si les policiers ont rapidement souligné que le gang demeurait actif et capable de se réorganiser.

Depuis son arrestation, les procédures judiciaires se poursuivent, notamment en lien avec son extradition vers le Canada. Bien que cette capture ait affaibli le leadership du groupe, les autorités estiment que la violence liée au conflit entre gangs ne s’est pas totalement résorbée. Le cas de Dave Turmel illustre ainsi l’évolution du crime organisé au Québec, marqué par l’émergence de réseaux plus jeunes, plus imprévisibles et prêts à remettre en cause les structures criminelles traditionnelles.